Pour résumé, je dirai que la modernité a été confisquée par la droite parlementaire (le Kokoomus) et les Verts au détriment d’une gauche devenue inaudible dans le contexte de la mondialisation.
Par paresse, je hurelai moi aussi avec les loups et je qualifierai les « Vrais Finlandais », lesquels ont fait un tabac aux élections européennes, de parti populiste, même s’il y a quelque qui me dérange dans l’épithète. Le populiste, pour l’establishment médiatique, c’est l’autre. Autre phénomène d’exclusion produit pas la bienpensance.
Un observateur français a fait remarquer sur France-culture que la gauche européenne, et sa principale force la social-démocratie, avait reculé partout où elle était au pouvoir. J’aurais aimé entendre son avis sur la social-démocratie finlandaise qui a connu un cuisant revers bien que dans l’opposition.
On pourrait dire qu’il arrive à la social-démocratique ce qui est arrivé à l’église luthérienne (une église d’État) : l’écrasante majorité se réclame de la religion de Luther, est fière de l’être, mais les églises n’en restent pas moins vides le dimanche.
Autre phénomène, le pouvoir intellectuel a changé de camp. Il est à droite et les grandes voix de gauche se sont éteintes les unes après les autres. Comme si tout ce qui pensait à gauche avait atteint l’âge de la retraite et décidé de couler des jours heureux à la cabane au bord du lac.
La consommation est l’idéologie dominante. Les programmes partisans tendent à se ressembler et tout le monde se bouscule au centre pour capter les voix des mythiques classes moyennes. Cette dynamique profite bien sûr au Kokoomus, un parti devenu très sexy et qu'incarne à sa manière l'une de ses figures de proue, Alexander Stubb, le très populaire ministre des Affaires étrangères.
Aux élections européennes et malgré l’usure du pouvoir, le Kokoomus a moins souffert que les autres, ne perdant que quelques milliers de voix (-7161), une broutille par rapport à l’effondrement accusé par les autres grandes formations politiques, à commencer par ses partenaires centristes (-70 687), sans parler du cuisant revers subi par toute l’opposition de gauche : sociaux-démocrates (-59 170), l’Alliance des gauches (-52 697).
Les grands vainqueurs de ce scrutin, en voix absolues, sont les Verts (+33 323) et les « Vrais Finlandais » (+153 671). Ce qui est intéressant, c’est que les Verts, à l’instar du Kokoomus, représentent eux aussi la modernité finlandaise. On peut dire en effet que, paradoxalement, les Verts et les sympathisants du Kokoomus, représentent les deux faces de cette même réalité dominée intellectuellement par les classes moyennes urbaines, très instruites, ouvertes sur le monde, et individualistes. Ce qui les divise, c’est l’importance accordée à la chose écologique et à l’éthique.
L’électorat Kokoomus et les Verts constituent les deux grandes forces politiques de
Pour la presse locale, Timo Soini, le président des Vrais Finlandais, est un vulgaire populiste, mais son discours anti-européen me paraît d’une extrême modération par rapport aux incroyables proférations qui jaillissent de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et d’Autriche. Si les « Vrais Finlandais » comptent sûrement des xénophobes, ce n’est point, pour l’instant, sur ce registre que M. Soini capitalise, mais sur les « oubliés » de la modernité. L’avenir nous dira s’il compte changer de registre. Difficile de jouer avec la carte xénophobe, dans un pays où les étrangers n’atteignent même pas 3 % de la population.